Feu de cuivre, toisons en promesse et instants suspendus - Carnet de bord -
- Christie Eyraud
- 25 mai
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 26 mai
Arinthod, semaine du 19 Mai au 24 mai 2025
Il y a des semaines où l’on file. Et d’autres où l’on forge.La mienne a été une traversée de feu, de métal, de gestes répétés jusqu’à l’oubli de soi.
Le rouet est resté silencieux dans son coin, patient.Mais l’atelier, lui, s’est mis à vibrer sous les coups du marteau, le crissement de la lime, le sifflement du chalumeau.J’ai façonné, soudé, percé, ajusté. Le cuivre a parlé. Et j’ai écouté.


Des bijoux sont nés — pas un à un, mais par grappes entières.Des modules martelés comme des totems d’un langage ancien.Des volumes rugueux, percés comme des partitions secrètes.Et les premières couches d’émail sont venues danser sur le métal, entre incandescence et patience.Les perles de verre ont fondu, se sont figées dans la matière,et m’ont soufflé cette étrange certitude : il n’y a pas de hasard dans la brûlure.

Pendant que mes mains s’agitaient, le fil, lui, attendait son heure.Pas de filage cette semaine — non par oubli, mais par débordement.

Et pourtant, il y a eu laine.Il y a eu toisons.J’ai quitté l’atelier un instant pour retrouver ceux dont le regard vous traverse comme une énigme : les lamas et les alpagas.


Leur laine est encore brute, lourde, ancrée de terre, de vent et de ciel.Elle sent la bête, le pâturage, le vivant.Elle est promesse. Elle est matière en veille.
Bientôt, mes mains reviendront à elle.Elles la laveront, la carderont, la fileront peut-être un matin de pluie.Mais pour l’instant, je garde ces toisons comme on garde une lettre qu’on n’a pas encore ouverte :avec respect, curiosité… et un peu d’émotion.
Et pendant ce temps, le chat a trouvé refuge dans un panier de toisons de moutons, triées et lavées.Il s’y est roulé comme dans un nid, puis s’est endormi, profondément.Un sommeil de confiance. Une pause dans le tumulte des objets en devenir.

Il y aura d’autres semaines. D’autres fils.Mais celle-ci fut feu.Et c’était beau ainsi.
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