Manifeste d’une Créatrice qui Résiste au Lissage du Monde
- Christie Eyraud
- 29 juin
- 2 min de lecture

Je suis créatrice de bijoux d’art.
Chaque pièce est unique, façonnée à la main de A à Z, du métal nu jusqu’à la dernière courbe. Je découpe, je forge, je martèle, j’émaille. Je façonne aussi les apprêts, en matériaux nobles et précieux.
Chaque bijou que je crée est pensé comme un fragment d’âme :
un éclat, une vibration, une trace sensible du vivant.

Mais mon geste ne s’arrête pas là.
Quand ce n’est pas le cuivre, c’est la fibre qui parle sous mes mains.

Je travaille la laine depuis la toison brute jusqu’au produit fini,
et c’est avec cette même exigence que je me tourne vers l’aquarelle, l’encre, la gravure sur lino, la photographie ou la peinture à l’huile.
Car au fond, c’est toujours le même fil qui traverse mes pratiques :
celui d’un art du temps, de la matière et du sens.

Chaque création est le fruit d’un temps long, d’un savoir, d’un feu intérieur.
D’une recherche profonde, d’une réflexion silencieuse, parfois invisible mais toujours essentielle. C’est une conversation entre la main et la matière, un dialogue entre la tradition et ma voix.

Créer, c’est connaître la matière, ses caprices, sa mémoire.
C’est aussi chercher, innover, recommencer, changer de technique,
et parfois… tout rater.
Ce n’est pas surfer sur une tendance. C’est accepter le lent, le risqué, l’exigeant.
Et pourtant, bien souvent, le vrai travail s’efface derrière la mise en scène,

le prix devient l’argument, et l’exigence… suspecte.

Oui, on me dit parfois que mes bijoux ou mes laines sont “chers”.
Et je vois, posés à côté des miens, des objets faits à la va-vite, conçus avec des matériaux venus de l’autre bout du monde, où le respect de l’humain comme de l’environnement est, disons-le, plus que douteux, vendus sous la même étiquette : "fait main".

Je rêve d’un monde où le mot créateur retrouve sa densité.
Où les marchés, les boutiques, les événements opèrent une sélection claire, sincère, assumée.
Pas pour exclure par élitisme, mais pour protéger le vrai, le lent, le rare, le juste.
Un label clair. Une éthique lisible. Une charte visible.
Ce serait la moindre des choses pour celles et ceux qui donnent tant d’eux-mêmes à chaque création.

Je ne suis pas la seule.
Nous sommes nombreux à faire le même constat, en silence.
À tenir nos gestes droits malgré le tumulte.
Pour que le public puisse choisir en conscience.

Et pour que les vrais créateurs cessent de se sentir honteux de leur exigence.
Je ne baisserai pas la lumière de mon feu pour qu’il rentre dans la norme.
Je continuerai à créer, comme je vis :
avec sincérité, complexité et âme.
Nous avons besoin de vous pour faire entendre nos voix. Partagez, amplifiez, semez nos mots comme des graines de changement !
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